Critique #069 – 54 minutes de Marieke Nijkamp

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Et s’il ne vous restait que 54 minutes à vivre ? Que feriez-vous si un matin en vous rendant en cours ou au travail, vous vous retrouviez pris en otage ? Imaginez que cela arrive à l’un de vos amis, familiers, enfants… Dans ce genre de situation chaque minute compte, chaque regard, et chaque pensée pèsent lourd sur la balance de la vie. 54 Minutes est une lecture Young Adult qui revient sur la violence des tueries en milieu scolaire. 

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Je remercie le site Netgalley et les éditons Hachette Roman de m’avoir permis de lire ce livre pognant en numérique

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Marieke Nijkamp est née aux Pays-Bas où elle y réside toujours. Diplômée en philosophie et d’histoire et études médiévales, elle se déclare aussi comme une globe-trotter et une geek. Marieke écrit  principalement pour la jeunesse et jeune adulte. Son premier roman 54 Minutes (This Is Where It Ends) est paru en 2016, et depuis le 2 novembre dernier en France aux éditions Hachette Romans.

54 Minutes est un huis clos oppressant traitant des fusillades dans les lycées américains. Depuis des décennies le pays de l’Oncle Sam n’a de cesse de connaître des tueries de masses dans les établissements scolaire. La liste est bien trop longue pour toutes les nommer mais on peut citer l’attentat de la Bath Consolidated School (1927 – 45 morts, 58 blessés),  le massacre de l’université du Texas à Austin (1966 – 16 morts, 23 blessés), la tuerie de Columbine (1999 – 15 morts, 24 blessés),  celle de Red Lake (2005 – 9 morts, 12 blessés), la fusillade dans l’université de North Illinois (2008 – 5 morts, 16 blessés), à l’université d’Oikos (2012 – 7 morts et 3 blessés), la tuerie de l’école primaire de Sandy Hook (2012 – 26 morts, 3 blessés), et bien d’autres encore sans qu’une fin ne semble possible. Mais il serait inconscient de dire que seuls les États-Unis connaissent de tels actes barbares. Non, des fusillades ont déjà eu lieu au Japon, Espagne, Canada, Suède, Kenya, Italie, Brésil, Finlande, France, Allemagne, etc… aucun pays n’est épargné. Si parfois ce sont des adultes qui agissent, dans la majeure partie des cas ce sont des adolescents, voire parfois des enfants qui décident de tuer leurs camarades. Pourquoi ? Souvent l’incompréhension est la seule réponse. Si les médias et présidents parlent d’actes de déséquilibrés ou mettent en cause la religion ou la musique que les tueurs écoutent, c’est souvent quelque chose de plus profond et de noir qui les poussent. On peut pointer du doigt la dépression, le harcèlement scolaire subi par certains pendant des mois ou des années avant le passage à l’acte. Dans tous les cas, le mal trouve racine quelque part.

Ce premier roman de Marieke Nijkamp a donc pour décors un lycée d’Alabama aux États-Unis où un jour un élève fait irruption et tire dans la foule des étudiants présents, et gardent les autres en otages. Livrés à leurs peurs, les élèves vont alors devoir veiller les uns sur les autres et tenter d’échapper à la mort au bout du canon. 54 Minutes est certes une œuvre de fiction mais criante de vérité. Rien que la couverture en témoigne. De l’extérieur l’acte de tirer sur quelqu’un paraît déjà violent mais pour celui qui se voit viser par la dite arme, cela devient un cauchemar des plus horribles dont la fin n’est que fatalité. Ici, Tyler est le maître de ce jeu sans nom. Décrit comme perturbé par ses camarades, comment Tyler en est-il arrivé là ? La narration choisie par l’auteure se déroule en 54 minutes, et est racontée par quatre voix différentes. Chacun vivra cette journée en enfer de manière différente.

— Putain, c’était quoi ? 
Fareed repose sa question, plus fort. Il sait… nous savons tous les deux. Nous avons passé du temps à la chasse avec mon grand-père et ma sœur. Nous avons regardé des tonnes de films. Far a grandi dans une zone de guerre. Nous connaissons tous les deux le son d’un coup de feu. C’est impossible. 
— Nous devons nous barrer, dit Far.

Si l’alternance des différents points de vus peut parfois dérouter au début, on finit par comprendre les liens qui unissent chacun des personnages. On a Autumn souffrant de solitude après le décès de sa mère, qui a vu son frère prendre ses distances et un père devenu absent. Pour elle l’amour qu’elle porte à sa petite amie, Sylv, est une véritable bouée de sauvetage à laquelle elle s’accroche. Mais alors qu’elle tente de vivre son bonheur, sa vie va basculer quand elle découvre que celui qui vient de tirer dans la foule n’est autre que Tyler, son grand frère. À la liste des narrateurs s’ajoute l’ex-petite amie de Tyler, Claire peu présente en première partie d’histoire mais que l’on apprendra à découvrir au fur et à mesure. Il y a aussi Tómas, le grand frère de Sylv, qui lui se trouve à l’extérieur et qui essayera de sauver sa soeur et les autres Les personnages présentent tous des caractères bien différents, sans pour autant se démarquer. Comme souvent dans une lecture Young Adult, la psyché de chacun n’est pas assez explorée à mon goût. Par exemple, je regrette le fait que le point de vue de l’histoire par Tyler n’existe pas. Ainsi le lecteur aurait pu tenter de comprendre le pourquoi du comment. 

― Le monde est contre nous. Tu dois le comprendre avant qu’il ne te tue. 
C’est gonflé, dans la bouche du garçon armé. Mais sa voix monocorde m’effraie bien plus que sa rage.

Le rythme dans 54 Minutes est fluide, prenant et agréable. Tout comme l’écriture de l’auteure qui est accessible à tous les types de lectorat. Que vous soyez un lecteur assidu ou non, les 300 pages du romans s’avalent d’une traite. Au fil des chapitres, les mots semblent prendre vie sous nos yeux comme pour nous rappeler que de tels évènements arrivent chaque jours – ou presque – dans le monde. Entre ceux qui tirent par désespoir ou simple folie, ceux qui tombent sous le coup des balles, et ceux qui assistent impuissants, personne n’est épargné. Marieke Nijkamp prend la peine de revenir sur des moments clés de chacun, en incluant des messages ressemblant à des tweet échangés entre les élèves. Le choix de narration devient moderne et intuitif et plaira aux lecteurs plus jeunes. Mais attention, l’histoire n’est pas forcément adaptée à tous les âges. En effet, je le conseillerai plus à un lectorat de plus de 13 ans de par l’aspect de l’acte de tuer qui peut choquer les plus sensibles. Quelques moments poignants viendront heurter notre lecture afin de nous sensibiliser.

En conclusion, avec ce premier roman Marieke Nijkamp signe un récit haletant mettant en lumière le moment vécu par les victimes, mais aussi la part de responsabilité de chacun dans ce passage à l’acte. Malgré son côté très axé Young Adult, j’ai passé une lecture agréable qui pendant quelques heures m’a prise en otage sans me promettre une fin heureuse.

17/20Infos roman (23)

 

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