Vous aimez les contes folkloriques du style La Belle et la Bête ? Les adolescents torturés psychologiquement et les mystères en pagailles ? Alors, ce premier tome de Gleipnir, première publication de Sun TAKEDA en France est pour vous. Énormément de questions et peu de réponses, mais beaucoup de promesses qui aiguisent notre appétit.
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Ce premier tome est disponible au prix de lancement de 5.95 € au lieu de 7.45 € !
Merci à Stéphanie et à Anne-Catherine
Sun TAKEDA est un mangaka japonais vivant dans la préfecture de Akita, et qui n’écrit que des seinen. Sa carrière débute avec Aruité Ippo !! en 2006, suivit de Sekainohate de Aimashou et Haru to Natsu en 2008. Gleipnir est le plus récent travail de TAKEDA, prépublié depuis 2015 dans les pages du Young Magazine de chez Kodansha. Il compte actuellement 4 tomes en cours de parutions au Japon, et un tome disponible depuis le 16 février dernier aux éditions Kana, dans la collection Dark Kana.
Le premier chapitre s’ouvre avec Shûichi Kagaya, jeune élève dans un lycée d’une petite région un peu perdue, qui cache un lourd secret. Sans comprendre pourquoi ni comment, le jeune homme peut se transformer en monstre à la tête rappelant celle d’un crâne de panda et au corps ressemblant à celui d’un gros chien gris. Tentant de dissimuler cet étrange alter ego, Shûichi fait en sorte de continuer dêtre un adolescent normal, même si les changements de son corps l’inquiètent et le complexe. Un jour pourtant, son quotidien va se retrouver altéré quand il prendra le risque de se dévoiler en sauvant une jeune fille prise dans les flammes d’une maison. Cette jeune fille se nomme Claire Aoki, et menace le garçon de révéler son terrible secret à tout le monde…
Très vite on comprend pourquoi ce manga porte la mention “pour public averti”. Ce n’est pas pour les scènes violentes car il n’en possède pas plus qu’un seinen habituel, mais plutôt pour son atmosphère malsaine et oppressante. En lisant ce premier tome, on ne peut éviter de se sentir comme perturbé par ce qui s’y passe, et par le personnage de Claire. Même si elle se révèle être plus jeune que Shûichi, elle possède une maturité sexuelle très avancée et une force de manipulation dérangeante. Car oui, connaissant maintenant le secret du jeune homme, elle ne va pas se gêner pour le faire chanter. Ainsi, un jeu du chat et de la souris, sur fond hormones et de désirs commence entre eux, se met en place entre eux. À maintes reprises, Claire provoquera sexuellement Shûichi, quitte à avoir des gestes physiques déplacés.
Sun TAKEDA pose ici les bases d’un récit complexe et encore beaucoup trop mystérieux pour que l’on se fasse un véritable avis sur le scénario. Sur fond de symboles et de métaphores, l’auteur dresse des parallèle entre la transformation physique du corps lors de l’adolescence et celle du monstre que devient Shûichi. On peut aussi évoquer le fait que Claire, étant la plus humaine des deux, montre très vite des signes de tendance psychopathe voire sadomasochiste. Face à elle, Shûichi apparaît comme un garçon apeuré par les conséquences que pourrait avoir sa transformation en monstre sur sa vie. Finalement, le proverbe dit vrai : l’habit ne fait pas le moine.
Le côté malsain est poussé à son paroxysme quand Claire prend possession au sens propre du corps du jeune garçon dans sa phase “monstre mascotte”. Un moment hautement symbolique se dessine alors avec claire nue dans les entrailles du monstre. De plus, l’auteur nourrit son monde en y incorporant un mystère de plus autour d’une médaille que Claire a en sa possession. On apprend alors que cette dernière appartiendrait à un jeune homme qui sort (pour de vrai) d’une sorte de distributeur. En la lui rapportant, il accepte d’exaucer un vœux à la personne.
Dans ce premier tome, l’action est bien entendue présente et ne laisse que très peu de repos au lecteur qui devra jongler entre les questions qu’ils se posent et la relation particulière des deux adolescents. Shûichi est-il frappé par une curieuse malédiction ? Pourquoi Claire semble si désireuse de ne faire qu’un avec lui ? Quel secret détiennent les médailles éparpillées dans le paysage par le presque fantomatique jeune homme du distributeur ? Beaucoup de questions… et pour le moment très peu d’indices à se mettre sous la dent. C’est pour cela que je pense qu’une parution simultanée aurait été bénéfique au titre, donnant une plus grande vision du récit de TAKEDA.
Malgré cet épais brouillard autour de ce tome, le récit se laisse lire, notamment avec la fin se terminant sur un flashback des plus surprenant, et nous donne envie de connaître la suite. Il n’est absolument pas mauvais, loin de là, il est même plaisant mais souffre peut-être du fait que le lecteur reste du début à la fin dans le noir par rapport à la direction que peut prendre le récit. En tout cas, il ne prend pas le chemin des champs fleuris et tout le tralala du bonheur… non bien au contraire. C’est sombre, torturé et glaçant sans être horrifique.
Pour les petits curieux, sachez que le mot “Gleipnir” n’est pas une seule fois mentionné dans le tome, mais qu’en cherchant un peu on retrouve son origine dans la mythologie nordique. En effet, Wikipédia étant un bon ami, on peut y lire qu’il est “le lien maintenant le loup mythique Fenrir attaché”. Mais qui est ce loup ? Eh bien, il s’agit d’un loup gigantesque, né de l’union du dieu Loki et de la géante Angrboda, messagère du malheur. Il y aurait-il alors un lien entre cette mythologie et l’univers de Sun TAKEDA ? Mystère…
Le trait de Sun TAKEDA est fluide et angoissant. À plusieurs reprises le mangaka s’amuse à flirter avec la ligne séparant seinen d’action et conte urbain destiné à faire peur. La mise en scène est soignée et bénéficie d’un charadesign des plus abouti et dérangeant. Les gros plans sur le visage de la mascotte-monstre viendront perturber le lecteur qui ne saura pas s’il doit être apeuré ou émerveillé par le côté enfantin versus démon. L’action est dynamique est bien retranscrite, et les émotions des personnages sont palpables.
L’édition de Kana propose un beau travail dans la conception de la jaquette de Joachim Roussell et Eric Montéinos, qui respecte l’ouvre d’origine. La traduction est signée Rodolphe Gicquel, travaillant également sur les titres Gintama et le récent Batman and the Justice League. On peut aussi citer qu’il est celui qui a traduit le recueil “25 histoires d’un monde en 4 dimensions” de Leiji Matsumoto.
En conclusion, Gleipnir est un seinen troublant et angoissant jouant sur les maux des jeunes adolescents en y intégrant une mythologie monstrueuse. Les mystères entourant ce premier tome ne peuvent empêcher de venir titiller la curiosité (certainement malsaine aussi) du lecteur qui voudra connaître la suite de cette relation des plus dérangeante. Un bon début même si on attend de voir la suite pour juger des promesses dont regorge le titre.