Critique BD #011 – L’âge d’or vol.1 de Pedrosa & Moreil, Malaterre de Pierre-Henry Gomont

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Pendant le temps d’un instant, je vais vous demander de remonter dans le temps, de vous revoir enfant, et surtout de repenser à ce que vous éprouviez quand on vous racontait une histoire. De capes, d’épées, de chevaux, peu importe, repensez-y. L’âge d’or de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil est bien plus qu’un bande dessinée. C’est un conte féerique sur le destin d’une femme que l’on veut évincer au nom d’un pouvoir mystérieux. Revenons à présent dans la réalité, où un homme et père de famille oubli son rôle, trop obnubilé par son envie de pouvoir et de richesse. Retrouver l’éclat que sa famille et son nom a perdu au fil des années. Malaterre, c’est ça, mais aussi une histoire familiale dramatique narrée par Pierre-Henry Gomont. 

 


L'âge d'or - tome 1 - L'âge d'or - première partieDisponible aux éditions Dupuis au prix de 32 € | AmazonLIRE UN EXTRAIT

Je vous invite à regarder cette vidéo « making off » dans l’atelier de Pedrosa

L’âge d’or est le premier volume d’une série co-écrite par Roxanne Moreil – le premier scénario – et Cyril Pedrosa (Portugal, Les Equinoxes), ce dernier est également au dessin et à la couleur. L’histoire se bâtit autour d’une légende parlant d’un “âge d’or”, où les murailles ne séparaient pas les hommes, où ils pouvaient aller et venir, et où il n’y avait ni “seigneurs” ni “fiefs.”. Dans le présent, survient la mort du roi, qui lègue le trône à sa fille Tilda, mais son jeune frère ne l’entend pas de cette manière. Condamnée sans ménagement à l’exil pour ne pas mourir, Tilda se fait accompagner de Tankred et Bertil, ses deux plus proches soutiens qui ont juré de la protéger. Ensemble, il vont tenter de reconquérir le trône et entraver les réformes qui ne cessent de nuire au peuple, qui peu à peu se rebelle dans le Royaume. Un long périple se dresse devant Tilda, où son destin est lié à la légende l’âge d’or… arrivera-t-elle à retrouver sa couronne et libérer son peuple ? Un pouvoir implique toujours de grandes responsabilités, en aura-t-elle la force ? Disons le tout de suite, L’âge d’or est une merveille pour les yeux, avec une grande sensibilité et de vivacité dans les traits. Rappelez-vous quand vous lisiez des histoires étant enfants, et que vous vous imaginez ces monde féeriques, cruels et doux à la fois. Le trait de Pedrosa est d’une richesse sans fin, où chaque trait et couleur s’unissent pour nous emmener loin. Le scénario nous plonge les deux pieds dans le XVème siècle, s’inspirant allègrement des références comme Robin des Bois, pour ne donner que cet exemple.

L’âge d’or par Moreil Pedrosa © Dupuis 2018

Le personnage de Tilda est travaillé en nuances, avec une force et une faiblesse en elle qui nous la rend attachante. Son périple à travers ce royaume où elle n’a plus sa place, est nourri par des propos pertinents concernant le pouvoir des nobles et la place du peuple. L’action se mélange naturellement aux moments plus calmes, nous invitant à admirer encore plus la mise en page de Cyrill Perdrosa. Sa manière de nous conter l’avancée des protagonistes sur une double page est intelligente et montre toute la maîtrise de son art. La colorisation vogue gentiment entre réalisme et imaginaire, proche des contes orientaux dans la chaleur des couleurs, et des légendes nordiques plus froid en apparence. Le travail d’édition de Dupuis rend totalement justice à ce travail hors pair, couverture et reliure très solide. En conclusion, ce premier volume de L’âge d’or nous charme dès les premières pages. L’histoire de Tilda et de ceux qui la soutiennent passionne, et le cliff hanger de fin de tome nous laisse dans l’interrogation, car on sent que quelque de chose de plus grand se trame. Le destin ? La Justice ? Probablement un peu des deux. Une épopée envoûtante et surprenante.  

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Disponible aux Éditions Dargaud pour 24 € | Amazon | LIRE EX EXTRAIT

Malaterre est un one-shot écrit, dessiné et mis en couleurs par Pierre-Henry Gomont (Rouge Karama, Les Nuits de Saturne, Pereira prétend) auteur et dessinateur de bande dessinée françaises. Malaterre se déroule entre l’Afrique équatoriale et la France, où Gabriel Lesaffre plaque femme et enfant pour prendre racheter un domaine forestier ayant longtemps appartenu à sa famille. Cet homme manipulateur, fabulateur et excellent négociateur se débrouille dans les négociations comme un pro, mais côté parentalité on repassera. Porté sur la cigarette et l’alcool à en noyer un pub irlandais, cet homme colérique possède tout de même un je-ne-sais-quoi qui fait que l’on a envie de voir jusqu’où il est capable d’aller pour garder son train de vie et ses affaires, alors qu’il prend l’eau de toutes parts. Son ego ne laisse que peu de place à sa femme, qui va se voir destituer de la garde des deux aînés de la fratrie. Elle n’aura de cesse de tenter de les récupérer, mais rien n’y fait, son ex-mari sait manier les mots et séduire ceux qui lui prêtent oreilles. Matilde et Simon, eux s’envolent avec leur père vers l’Afrique sans rien connaître. Là-bas ils devront se retrouver une place, des amis, etc. La narration est faite par un ami de Gabriel témoin de ses bassesses, et c’est avec entrain qu’on le suite dans cette histoire. Le personnage de Gabriel est celui qui donne la cadence. Sanguin et peu enclin à passer du temps avec ses enfants, on part de cette mauvaise impression qu’il ne les aime pas. Pourtant, au fil de la lecture, une certaine tendresse se manifeste dans les cases. L’approche sentimentale de Gabriel concernant l’amour qu’il peut avoir pour ses enfants est maladroite mais humaine. Peut-être n’a-t-il jamais connu la chaleur d’un foyer aimant ? Sans s’en apercevoir, il reproduit un schéma qu’il connaît certainement, préférant suivre ses coups de tête et coups de poker concernant ses négociations sans jamais regarder de côté.

© 2018 Gomont – DARGAUD BENELUX (Dargaud-Lombard s.a.)

Entre les deux aînés, Simon est celui qui est le plus mis en avant, sans aucun doute pour poursuivre cette ligne rouge de la relation “père-fils”. La différence entre ce que le jeune garçon pense, dit et ressent. Son mal-être se mélange avec cette relation paternelle difficile, le laissant dans une confusion palpable concernant ce qu’il ressent pour Gabriel. Le dessin est construit autour du trait nerveux et expressif de Pierre-Henry Gomont. Le style sauvage colle bien avec cette forêt luxuriante et humide de l’Afrique, où la chaleur rend les rues à demi citadines poussiéreuses. La colorisation n’est pas étrangère au rendu de l’ambiance, jouant parfaitement le vecteur des sentiments de liberté et d’oppression. En conclusion, Malaterre est un récit tragique, non seulement d’une famille, mais aussi d’un homme, et des liens entre ses enfants et ceux qui l’enchaînent à son passé. Les personnages ne sont ni bons ni mauvais, on les apprécie on les déteste, mais au final ils ne nous laissent pas indifférents.

 

 

 

 

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