Taiyô MATSUMOTO fait partie de ces maître manga que l’on se doit de découvrir pour notre propre culture. Étrange, humain, ésotérique, sont trois des adjectifs pour décrire le genre de récits qu’écrit cet auteur japonnais. De Ping Pong à Sunny, en passant par Amer Beton, les éditions KANA nous proposent en de début d’année de découvrir le one-shot Éveil (inédit), la suite et fin de Le Rêve de mon père, et la réédition de Number 5 en deux intégrales.
Disponible aux éditions Kana dans la collection Made In au prix de 18 euros ou sur Amazon
À l’occasion de la venue de Taiyô MATSUMOTO (Sunny, Amer Beton, Les Chats du Louvre) au Festival International de la BD d’Angoulême, les éditions Kana ont sorti Éveil (Hana en VO). Inédit jusqu’ici en français, ce one-shot a déjà un certain âge puisqu’il est paru en 2002 dans les pages du Big Comic Spirits des éditions Shogakukan. Parlons d’abord de l’édition qui est juste magnifique. La couverture a été spécialement dessiné par MATSUMOTO pour le public francophone. Ce seinen aborde des thèmes comme la mort et la vie, avec un MATSUMOTO jouant sur le parallèle entre ces deux notions puisqu’elles ne peuvent exister l’une sans l’autre. Mais de quoi ça parle ? D’un peuple étroitement lié à la nature vivant dans les montagnes d’un futur où la civilisation n’est plus. Au sein de ce peuple, nous avons deux familles importantes. La famille des “danseurs” et des “sculpteurs, jouant un rôle important. Chaque famille va devoir choisir celui qui va prendre la relève du doyen, Yuri, doté d’un don exceptionnel mais qui n’a jamais mis le nez dehors, et le plus jeune Tsubaki ayant du mal à entrer en lien avec les esprits. Il est compliqué de décrire ce que l’on ressent à la lecture de cet ovni plein de poésie, puisque plusieurs niveaux de lecture sont possibles. Il en va aussi de la sensibilité du lecteur face à un tel récit.

HANA © by MATSUMOTO Taiyô / Shôgakukan
Certains auront beaucoup plus de mal à en saisir le sens, se sentant presque perdu au milieu du travail graphique de MATSUMOTO. Le noir est travaillé malgré un aspect griffonné, c’est dynamique et doux à la fois. La narration est drapée d’une ambiance presque mystique. En s’embarquant dans ce voyage atypique mais intense, le lecteur aura plusieurs questions en tête au fur et à mesure des pages. Les mots et bulles de dialogues sont très rares, laissant le trait du mangaka transmettre les sentiments. Le format rigide de 225×298 (env. la taille d’une BD) rend totalement justice aux planches du mangaka. C’est époustouflant, voire hypnotique en un sens. Le rendu de chaque case est encore plus puissant, tous comme les doubles pages. En conclusion, particulier voire étrange, Éveil de Taiyô MATSUMOTO est une œuvre qui sort du lot par les nuances des thèmes comme la vie, la mort, les croyances, l’éveil de soi et de la nature.
Disponible aux éditions Kana dans la collection Made In au prix de 18 € ou sur Amazon | Également disponible en numérique sur izneo
En 2001, paraissait au Japon l’un des premiers récits de MATSUMOTO, Number 5 en 8 tomes aux éditions Shogakukan. C’est en 2004, que les éditions Kana ont proposé le titre à son lectorat via la collection Made In. Quinze ans plus tard, l’éditeur ressort cette œuvre dans 2 intégrales. Le récit se passe dans un monde futuriste, où Number Five appartient au conseil Rainbow, une organisation armée pour la protection de la paix. Comme souvent, le mangaka excelle dans la création d’univers propre à son intellect mais qui peut refléter bien des choses à propos de l’homme. Number Five se rebelle contre le système et devient l’homme à abattre. Désert, road trip, western opera, difficile de réellement trouver l’étiquette qui pourrait décrire ce manga. MATSUSMOTO utilise des flash back pour poser les bases de son univers avant de le déconstruire pour nous en montrer les véritables prémices. Comment le monde est-il devenu aussi aride et dépourvu de femme ou presque. Déjanté et toujours aussi en marge de la production manga actuel et de son époque, Number 5 offre des détails à foison que le lecteur ne remarquera pas dans son intégralité à la première lecture. C’est ainsi que débute le charme de ce monstre du manga onirique. La relecture s’impose parfois, mais toujours par plaisir et curiosité. « Qu’ai-je donc manqué ? Que veut-il dire par ses mots ?« , voici des exemples de questions qui nous poussent à revenir dessus.

© MATSUMOTO Taiyô / Shôgakukan
Poétique et farfelu, la narration est portée par un trait vif dont son amour pour le style de Moebius est une évidence. Le charadesign est ce qui m’a le plus séduit, tout comme dans Éveil. La réédition est de toute beauté et sans accroc. En conclusion, cette première intégrale de Number 5 est aussi imposante par sa pagination que par le niveau de lecture qu’il propose. Il y a de l’action, de la philosophie, et des personnages déconcertants mais bien écrits. Taiyô MATSUMOTO excelle dans ce qu’il propose avec un scénario profond et un graphisme explosif mais doux.
Disponible aux éditions Kana dans la collection Made In au prix de 12,70€ ou sur Amazon | Également disponible en numérique sur izneo | LIRE MON AVIS SUR LE TOME 1 ICI
Le Rêve de mon père est l’un des premiers travaux du mangaka, et cela se ressent un peu graphiquement. Puisque dans des œuvres comme Éveil ou Number 5, le style de MATSUMOTO a gagné en puissance et en richesse. Dans le tome 1 [mon avis ici] nous faisions la connaissance de Shigeo, un jeune garçon très intelligent qui est envoyé chez son père, Hanao, pendant les vacances d’été. Ce dernier est un trentenaire ayant quitté le foyer familial pour devenir joueur de base-ball professionnel dans une grande équipe. En réalité, Hanao est plus un grand enfant qui ne se soucie que de sa personne et de ses rêves, alors que son fils est studieux avec les pieds bien ancrés au sol. Le point central de l’oeuvre est la relation père-fils, dont l’étrangeté de Hanao nous interpelle. Dans cette suite (tome 2 & 3), la tolérance de Shigeo face au comportement immature de son père atteint des niveaux records, alors que l’attitude de ce “Peter Pan” déteint peu à peu sur son enfant. Shigeo fait preuve de plus de souplesse dans ses études et adopte plus un côté enfant. Néanmoins, il ne manque pas d’essayer cadrer son père pour qu’il devienne un adulte responsable, ce qui n’est pas chose facile. Le garçon en apprend plus sur le passé de son père, notant les différences qui les séparent mais qui les unis aussi en un sens. Hanao est vu comme l’homme bizarre que l’on tolère dans le village, et lui donne le surnom de “Coach”, fermant les yeux sur sa tendance à être sans gêne.

© 1998 Taiyou MATSUMOTO / Shogagukan
Hanao a-t-il raison de croire en son rêve de joueur professionnel ? Shigeo va-t-il retourner vivre avec sa mère ou rester avec son père ? Et enfin la relation entre eux va-t-elle se faire ? Les réponses sont dans le tome 3, le dernier de ce manga. MATUSMOTO poursuit son récit d’une manière convaincante mettant en avant les bons et mauvais côtés de chaque personne. Il les rend ainsi détestables, attachants, drôles et antipathiques. C’est comme si le mangaka savait d’instinct que chaque faiblesse cache forcément une force. Les dernières pages du tome 3 sont vibrantes sur bien des aspects et montrent l’accomplissement de ce récit. Ce n’est pas parfait, mais on s’en contente. En conclusion, Taiyô MATUSMOTO sait comment raconter une histoire tranche de vie où les personnages semblent eux-même décider de leur destin. C’est vivant, excentrique, énervant, et parfaitement à l’image de qui nous sommes tous : de grands rêveurs trop souvent rattrapés par la réalité de la vie quotidienne.
Des trois, je confirme ma première impression, c’est Eveil qui me tente le plus.
Number 5, je crains de ne pas aimer le côté barré et western.
Et j’ai pas forcément envie d’une chronique sociale comme dans le Rêve de mon père.
En fait, j’attends surtout Ping Pong parce que j’aime beaucoup les titres sportifs 🙂
Merci pour les chroniques !
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Mais de rien. Oui, je te conseille Eveil sur les 3. Ping Pong, la réédition est déjà sortie, non ?
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Non, elle a été repoussée à début février justement V.V
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