Nonante ans. C’est l’âge qu’aurait eu l’auteur Osamu TEZUKA l’année dernipre, s’il était encore vivant. Affaibli par un cancer, le mangaka ne se sépare jamais de son matériel de dessin, jusqu’à sa mort en 1989 dans une chambre d’hôpital de Tokyo. Depuis, ses œuvres continuent de marquer des générations de lecteurs de tous horizons, mais aussi ses pairs mangakas. De Astro, le petit robot à Black Jack en passant par Phénix, l’oiseau de feu, chaque récit est nourri par des thématiques chères au cœur de l’auteur. Je vus propose de découvrir mon avis sur Barbara, MW et le tome 1 de LaVie de Bouddha dans leurs rééditions prestige.
Disponible en intégrale aux éditions Delcourt-Tonkam ou sur Amazon au prix de 24,95€ | LIRE MON AVIS SUR LES AUTRES ŒUVRES DE OSAMU TEZUKA
Afin de fêter le 90ème anniversaire de Osamu TEZUKA comme il se doit, les éditions Delcourt-Tonkam ont décidé d’offrir aux lecteurs une réédition en intégrale de plusieurs œuvres du maître. Après vous avoir parlé de Ayako et L’histoire des 3 Adolf [mon avis sur les 2 ici], il est temps d’aborder Barbara, un Seinen ayant été prépublié dans le magazine Big Comic de Shogakukan entre 1973 et 1974. Par la suite il a été repris par Kodansha en deux volumes dans la collection Oeuvres complètes de Tezuka. En France, il faudra attendre 2005 pour voir le titre intégrer le catalogue de Akata des éditions Delcourt. L’histoire nous narre la vie de Barbara, une femme séduisante et envoûtante devenue la muse d’écrivains. En la fréquentant, ces derniers trouvent l’inspiration et atteigne le succès. C’est ce qui arrive à Yosuke Mikura en rencontrant Barbara dans une gare, alors qu’elle est dans un état second à cause de l’alcool. Néanmoins, l’apparence de Barbara – sans trop en dire – n’est que le reflet des propres démons de l’écrivain, Yosuke ou autres… Les mangas de TEZUKA sont toujours particuliers, et parlent ouvertement de la société qui nous entoure. Ayako et Barbara abordent sans détours les perversions de l’âme humaine, avec ici pour cadre un éternel recommencement. En effet, Barbara réapparaît toujours à un moment ou à un autre dans l’histoire. Il est difficile de vraiment expliquer la profondeur de cette histoire, puisque plusieurs degrés de lectures s’imposent à nous. On peut par exemple y voir l’histoire d’un auteur se perdant dans ses obsessions pour les femmes, un homme en panne d’inspiration se réfugiant dans ses fantasmes, ou encore plus abstrait un artiste se perdant dans son œuvre avant de disparaître.

BARUBORA © 2005 by Tezuka Productions
Que ce soit au sens propre ou au sens figuré, Barbara ne laisse pas indifférent de par sa structure. Osamu TEZUKA entraîne le lecteur dans une espèce de chute où l’on perd les notions de réalité et de fiction, provoquant un sentiment particulier à la lecture. Visuellement, le mangaka applique sa patte reconnaissable entre mille, les expressions mises à l’honneur comme son habitude. Certains critiqueront peut-être le côté théâtral des personnages, mais cela est sans aucun doute dû à son époque et à l’influence des mises en scènes dans le domaine des arts du corps. À titre personnel, j’ai été plus touchée par le trait du design des personnages plus mature et stable dans Barbara que dans Ayako. Le travail des équipes de Delcourt-Tonkam est soigné, avec une nouvelle couverture communiquant bien le sentiment que dégage le récit. En conclusion, Barbara a été une lecture vertigineuse mêlant avec adresse l’art et la nature de l’homme à cacher ses démons aux yeux de la société. Onirique et à interpréter selon son état d’esprit du moment.
Disponible aux éditions Delcourt-Tonkam ou sur Amazon au prix de 29,99€ | LIRE MON AVIS SUR LES AUTRES OEUVRES DE OSAMU TEZUKA
Au Japon, MW a été prépublié dans les pages du magazine Big Comic des éditions Shogakukan entre 1976 et 1978, avant d’arriver chez Tonkam en 2004 dans le sens de lecture occidentale. Ici, la réédition contient les trois tomes d’origine. À noter qu’une adaptation live-action est sortie en 2009. L’histoire suit Michio Yuki, un jeune banquier charismatique en apparence, cachant le monstre qu’il est au fond de lui. En vérité, c’est un kidnappeur et meurtrier devenu ainsi à la suite de son contact avec le gaz « MW »… Dans ce récit, il existe le personnage de Darai, un prêtre dont les liens l’unissant à Michio sont bien particuliers. Il est important de souligner, que comme pour Ayako ou Barbara, il est préférable que les jeunes lecteurs ou les plus sensibles ne lisent pas ce récit. Les thèmes abordés pourraient les heurter voire déranger. En effet, le récit possède une atmosphère très malsaine qui ne lâche pas le lecteur dès la première page. MW aborde des thèmes divers et variés tels que la religion, le sexe et le concept de bien et de mal dans la manipulation des gens qui nous entourent.

MW © by 2007 TEZUKA PRODUCTIONS
Le scénario fait alors réfléchir sur notre notion d’humanité. Le mangaka ne ménage pas ses protagonistes, les plongeant petit à petit dans l’enfer, entre politique et complot. Le dessin très expressif porte bien l’histoire en allant droit au but, même si les scènes intimes sont un peu plus maladroites. Les angles et les perspectives adoptées par TEZUKA donnent du punch à l’impact qu’offre la lecture. Le scénario est mené la majeure partie entre psychologie et nervosité, mais souffre de quelques impressions plus chiffonnées. En conclusion, MW est sans hésité l’histoire la plus prenante et glaçante en comparaison des autres œuvres de Osamu TEZUKA. Le dénouement ne surprend pas plus que cela, mais met bien en lumière la dualité entre l’espoir et la fatalité.
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La Vie de Bouddha a été prépublié dans le magazine Comic Ton entre 1972 et 1983, avec au total 14 volumes reliés chez Ushio Suppan. Il fut réédité en 7 tomes dans un nouveau format par l’éditeur Kodansha en 2011. En France, la série apparue pour la première dois chez Tonkam en 7 tomes dès 1997, avant de se refaire une beauté dans une version de luxe en 2004. Cette édition anniversaire sera en 4 tomes. Le récit prend place dans l’Inde ancienne, où les vies de nombreux hommes sont destinées à s’éteindre à cause de la famine, les guerres, la mousson, pour ne pas citer d’autres problèmes liés au système des castes. Dans ce premier tome, plusieurs destins sont liés les uns aux autres, jusqu’à donner naissance d’un être à part, devenant très vite l’espoir de toute une population : Siddharta, fils du souverain de Kapilavastu. Compliqué de vraiment présenter le synopsis, tant le manga présente des personnages différents et complémentaires à la fois. Pour faire simple, on peut dire que ce premier tome est découpé en trois parties : la vie de Tatta, celle de Chaprah et puis celle du prince Siddharta. La narration se fait de manière contemplative, où TEZUKA n’oublie pas de mettre en avant la culture indienne. Comme dans de nombreux autres de ses récits, les perversités de la politique ne sont pas loin.

BOUDDHA © 2007 by TEZUKA PRODUCTIONS
Au fil de la lecture, on découvre une gamme d’émotions pertinentes du point de vue philosophique. Néanmoins, il faut savoir que ce récit sera moins abordable qu’un MW puisqu’il est narré de manière plus tranquille. Le mangaka se permet aussi un humour brisant le quatrième mur aussi bien dans le texte que dans le visuel, à voir si cela vous plaît. Le trait de Osamu TEZUKA est toujours au point, mais ne plaira pas forcément à tous. Certaines morphologies sont bizarres dans le rendu final, par exemple. Les amateurs de mangas plus traditionnels ou de franco-belge d’antan trouveront, peut-être, ici un dessin qui leur parlera. Les doubles planches permettent au mangaka de travailler ses arrière-plans. La qualité de l’édition de Delcourt-Tonkam arrive encore à surprendre malgré le fait que l’on y soit habitué si nous possédons déjà les versions des récits réédités pour le 90ème anniversaire du Maître du manga. En conclusion, ce premier tome de La Vie de Bouddha est plaisant mais pas dénué de défauts dû à l’époque où il a été écrit. Toutefois, les constructions autour de plusieurs personnages ouvrent la porte pour une suite prometteuse. À voir donc…
Ravie de pouvoir lire tes avis sur ces rééditions. Je me retrouve assez dans ce que tu dis de MW et de Bouddha, même si j’ai l’air d’avoir un peu plus apprécié que toi. Je me note Barbara du coup, c’est le seul que je n’ai pas et j’hésitais encore mais tu as su me convaincre 🙂
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