Il y a des récits qui marquent toute une génération mais aussi tout une industrie. C’est le cas de Crisis on Infinite Earths un ambitieux récit des années 80 de chez DC Comics qui aura r^provoqué un raz de marré aussi bien dans les ventes de comics, dans le coeur des fans et dans l’univers entier de DC. Sacrifice, amour, justice, alliance, un récit épique à découvrir ? Voyons ça ensemble dans la suite.
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Crisis on Infinite Earths est ce que l’on appelle dans le milieu des comics un crossover ou un event. C’est-à-dire que c’est un évènement qui est censé avoir un impact significatif dans l’univers, dans ce cas précis étant celui de DC Comics. En effet, lors de sa publication en 1985, les comics DC ne sont pas au beau fixe. Au fil de sa publication depuis 1935, les éditeurs et scénaristes ont fait le choix de développer différentes terres dans ce vaste univers, provocant parfois des incohérences – souvent de grosses – entre certaines histoires. Le lecteur en ressortait souvent perdu, et finissait parfois (pour ne pas dire le plus souvent) par lâcher l’affaire. Par exemple, si les héros Batman, Superman, Wonder Woman, Flash et Green Lantern vivaient tous sur la même terre, nous avions Kamandi, Jonah Ex, Captain Marvel (non pas celui de la concurrence), Blue Beetle, etc vivaient dans des univers différents.
C’est après le succès de New Teen Titans par Marv Wolfman et George Pérez [mon avis sur le tome 1 ici] qu’un contrat d’exclusivité entre Pérez et DC fut établi. Afin de recruter de nouveaux lecteurs et d’éviter que ceux restant ne quittent le navire, Wolfman créa Crisis on Infinite Earths ayant pour but de simplifier l’univers DC en éliminant simplement des mondes entiers avec une crise. C’est ainsi qu’arriva l’une des premières grosses mini-séries de l’éditeur, un concept relativement nouveau à cette époque, avec Wolfman et Pérez aux commandes.
Le récit se compose de 12 épisodes qui voient l’intervention de nombreux personnages de l’univers DC, des plus connus aux plus obscurs. Nous avons le Syndicat du Crime de Terre-3, Hawk et Dove (actuellement dans la série TV Titans de DC Universe/Netflix), les Challengers de l’Inconnu et bien d’autres se retrouvant face à une menace dans précédent. L’Anti-Monitor s’est fixé le but de détruire une à une les terres qui composent le Multivers en envoyant une vague d’anti-matière. Celui que l’on nomme Monitor (vu dans les New Teen Titans) va alors recruter certains héros issus de différents univers pour stopper cette destruction massive. Ce que le lecteur actuel ne réalise peut-être pas c’est l’importance et l’impact de Crisis à eux et continue d’avoir. De plus, l’intelligence du scénario de Wolfman fait que chaque personnage (même ceux à double!) de chaque planète apporte une pierre au récit de manière cohérente, avec des dialogues d’une rare émotion malgré son côté ancien. Plusieurs thèmes sont explorés dans cette épopée cosmique, comme par exemple la nature même de l’existence. Ce qui, à notre échelle, pourrait advenir de nous si un jour une menace de cette envergure pesait. Les héros sont poussés dans leurs retranchements notamment avec des moments forts tels que la mort de Supergirl. Une pure séquence de sacrifice qui n’est pas un spoiler puisqu’on le retrouve sur la couverture. Une scène culte qui sera reprise en 2016 dans la série Supergirl de DC/CW avec le Superman de cet univers portant sa cousine de la même manière après un combat. À noter que cette mort durera pendant de nombreuses années, et que Supergirl n’est revenu que bien longtemps après dans l’univers des comics [je vous en parle plus longuement dans le dossier consacré au personnage, ici]. Le premier chapitre présente bien ce qui nous attend avant de monter en puissance au fur et à mesure que l’on avance dans ce pavé de 500 pages. À l’époque, cela était un récit qui imposait par l’audace de son scénariste qui ne se privait de rien. Outre Supergirl, Flash/Barry Allen joue un rôle capital dans ce crossover. Chaque héros et vilain aura son propre chemin à faire en mettant de côté leurs différends pour s’allier. L’action est bien pensée, et chaque scène est pensée comme un moment de respect et d’amour envers cet univers tout entier créé par DC Comics.
Cette histoire ne serait pas complète sans le trait et le talent de George Pérez qui prend un vrai plaisir à dessiner les personnages, comme il l’a confié à l’époque. Pour lui c’est un rêve qui se réalise, et tout comme dans les New Teen Titans les héros sont resplendissants et ne sont jamais ridicules malgré le côté old school. Les informations distillées dans les cases et les doubles pages sont tellement nombreuses qu’il est difficile de toutes les saisir en une fois. Pourtant, tout est lisible et c’est au lecteur de prendre le temps de réellement explorer chaque chose mise en place par l’artiste. Nous ne pouvons certainement pas imaginer le temps qu’a dû demander chacune de ces cases folles comprenant tellement de héros. Cette impression de surcharge a pour effet d’intensifier le scénario toujours en restant accessible et lisible. Un exploit que peu d’artistes arrivent à appliquer au jour d’aujourd’hui.
L’édition proposée par Urban Comics fourmille de bonus comme le History of DC Universe qui raconte sous forme de roman illustré ce qu’il faut savoir sur cet univers. Une façon de servir complément aux lecteurs. Une galerie de recherche de personnages, des postfaces de Marv Wolfman et Dick Giordano, et bien plus sont aussi dans cet album à l’impression de qualité et solide.
En conclusion, Crisis on Infinite Earths est lecture obligatoire pour tout fan de comics. C’est une œuvre maîtresse de l’univers DC qui aura bousculé beaucoup de choses que peu de scénaristes actuels oseraient faire. L’ambition est là, Wolfman excelle dans la narration autant que Pérez maîtrise le design des personnages et de l’environnement cosmique. Un moment de lecture fait de rebondissements, d’émotions, de peur, et bien plus avec des héros et des vilains comme vous ne les verrez jamais.