Critique comics #056 – Harleen

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Ô mère grand comme vous avez de grands yeux ? C’est pour mieux te regarder mon enfant. Ô mêre grand, comme vous avez de grandes dents. C’est pour mieux te croquer mon enfant ! Cette citation tirée du Chaperon Rouge se trouve être appropriée pour parler d’Harleen par Stjepan Šejić. En trois chapitres, imposants, le scénariste croate exprime tout son amour et sa vision du personnage de Harley Quinn avant même que cette dernière ne soit celle que l’on connaît. Surprenant, sans être parfait. Découvrons pourquoi.

 

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Stjepan Šejić est un scénariste et dessinateur croate, qui a débuté sa carrière en tant que coloriste pour Tyler Kirkham. En 2007, l’artiste intègre l’équipe créative de la série Witchblade chez Top Cow suivi des mini-séries spin-offs First Born, Broken Trinity et Angelus. En 2014, il lance sa propre série Sunstone chez Image Comics, publiée chez Panini Comics en VF. On a également pu le voir sur des comics Marvel, mais aussi DC Comics avec Justice League Odyssey, Aquaman, et le récent Harleen. Il a également travaillé pour Arcana Studio et Dynamite Entertainment.

Doit-on encore présenter le personnage d’Harley Quinn ? Que ce soit en comics, sur grand ou petit écran, on ne peut plus réellement y échapper. Certains d’ailleurs diront qu’elle est peut-être trop mise en avant par DC Comics, d’autres diront qu’elle n’est pas assez bien utilisée. Dans tous les cas, Harley est un personnage que l’on retient, peu importe le support. Avec Harleen, Šejić propose de revenir sur les origines du personnage en se concentrant sur l’avant Harley Quinn. Harleen Quinzel est une jeune psychiatre qui doit encore faire ses preuves. Le travail de recherche d’Harleen se base sur une thèse qu’elle a mené au contact d’un ancien soldat de guerre qui après son retour s’est mis à tuer. Pour elle, c’est à force d’avoir côtoyé la mort au quotidien que le militaire a dû renoncer à son empathie, l’amputer pour ne pas sombrer. Elle intègre dont l’asile d’Arkham pour prouver que les criminels tels que Poison Ivy, Enigma et autres peuvent renouer avec l’humanité et l’empathie en eux. Si elle arrive à mener ses séances avec les criminels d’Arkham, il en existe un qu’elle n’a de cesse d’ignorer. Le Joker. L’angoisse de se retrouver face à lui est immense depuis qu’il y a quelques mois, un soir, elle se retrouvera à l’autre bout du canon de son arme, prête à se prendre une balle simplement parce qu’elle était là au mauvais moment. Mais le Joker lui épargne la vie, mais ne cesse de la hanter dans ses cauchemars la poussant dans les ténèbres…

Harleen retrace la descente aux enfers de la jeune psychiatre où tout n’est question que de choix. La narration se fait du point de vue de la Harley du présent qui nous raconte son passé. On la découvre après ses études ayant l’envie d’être une psychiatre reconnue, mais avec un cruel manque de confiance en elle. Sa volonté de sauver les méchants de Gotham et de les réintégrer la rend à la fois optimiste et naïve. Ces deux points seront importants pour créer un lien d’attachement avec le lecteur. Car si on connaît sa relation toxique avec le Joker, au final presque personne ne s’est réellement intéressée à son origin story bien avant qu’elle ne soit précipitée dans une cuve d’acide. Ici, l’approche se veut plus psychologique, avec des moments terre-à-terre sans grande action. Le choix de narration est important puisqu’il met en lumière toute la sagesse d’esprit et le savoir d’Harleen mais aussi à quel point elle est consciente d’être tombée dans le piège du Joker. Ce dernier occupe donc la place du marionnettiste qui tire les ficelles à sa guise. Physiquement, il a tout du bellâtre à la Edward dans Twilight, un parti pris par le scénariste qui se veut différent de toutes les incarnations que l’on a eues jusqu’à maintenant du Joker. On peut facilement y voir le comportement d’un pervers narcissique doublé d’un psychopathe. Le côté romancé est présent, oui, mais seulement en surface. Car il suffit de s’appuyer sur le monologue d’Harley et la mise en page de Stjepan Šejić pour comprendre à quel jeu s’adonne le Joker. La fissure dans la psyché d’Harley a pris racine le soir de sa rencontre avec le Joker, quand ce dernier l’a menacé avec son arme, mais aussi épargné. Le traumatisme ouvrira tout de suite une brèche dans la carapace de la jeune femme, qui ne cherchera jamais à la colmater. Elle essayera, oui, mais jamais de la manière indiquée dans ce genre de cas. De plus, le manque d’un entourage solide renforce cette solitude dans laquelle elle s’enferme. Sans famille, une meilleure amie peu présente, au final la seule chose consistante dans sa vie se trouve être son travail. Dans les autres personnages on retrouve le commissaire Gordon, Batman, mais aussi Harvey Dent dont on découvre aussi son origin story. Le parallèle entre les deux sera exploité jusqu’à la fin, avec un Harvey amenant l’action au récit.

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Visuellement, Stjepan Šejić nous offre des planches d’une beauté constante. La mise en page est construite de manière à renforcer le sentiment d’introspection où les contes de fées que l’on connaît se mélangent à l’histoire d’Harley Quinn. L’ensemble donne un résultat surprenant et plein de charme. Nous avons droit à un trait fluide qui rend les personnages sensuels, dangereux et expressifs. Les émotions se lisent facilement sur le visage des personnages, et on rêverait de voir un récit centré sur Poison Ivy quand on voit à quel point l’artiste adore la dessiner. On sent aussi qu’il en aurait des choses à dire sur elle. Le jeu du chat et de la souris, du dominant et du soumis passe aussi par les cases avec, par exemple, un Joker qui prend le dessus sur Harley aussi bien par les mots que par sa posture toute en hauteur sans jamais la toucher. Le travail d’édition de la part d’Urban Comics est bon (galerie de couvertures, etc.) avec une traduction assurée par Julien DiGiacomo respectueuse de l’oeuvre originale. En 

En conclusion, Harleen est un récit qui met en avant la femme Harleen Quinzel avant qu’elle ne devienne l’inégalable Harley Quinn. Sensible, intelligente, Imparfaite, et courageuse, après cette lecture vous ne la verrez plus jamais de la même façon. Une histoire originale qui reprend ce que l’on sait d’Harley sans jamais lui manquer de respect, au contraire, Stjepan Šejić lui rend ses lettres de noblesse. Une réussite.

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3 réflexions sur “Critique comics #056 – Harleen

  1. Je ne lis pas de comics car j’avoue ne pas m’y retrouver entre les reboot, les dark multiverse etc… (certainement car je ne m’y intéresse que trop peu…) mais j’avoue que celui me fait clairement de l’œil ! Une bonne idée pour mettre au pied du sapin !

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    • Hello ! Oui, c’est un récit que tu peux lire que tu sois familier ou non avec DC Comics ou non. Il y a belle lurette que je ne suis plus la continuité de leurs publication, pareil pour Marvel. Je trouve que c’est de plus en plus compliqué à suivre entre les récits publiés uniquement en VO, qui du coup peuvent affecter le lecteur français qui ne lis pas du VO. Bref, sincèrement c’est un récit qui peut plaire à n’importe qui d’assez curieux pour en savoir plus sur Harley Quinn.

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  2. Pingback: Harleen – Stjepan Sejic | OmbreBones

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