
Après son White Knight, Sean Murphy revient avec Curse of the White Knight et continue d’étendre son fil sur l’univers de la Chauve-Souris et de Gotham. Jack Nappier part quelque peu dans les coulisses pour laisser la place à Azrael, à la fois un ami et ennemi de Batman.
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En 2018, Sean Murphy sortait Batman : White Knight [mon avis ici], un récit sur le Chevalier Noir qui pouvait se lire indépendamment de la continuité DC, ce qui très sincèrement est une très bonne chose. Ainsi, n’importe quel néophyte ou fan de la première heure pouvait allègrement se lancer dans l’aventure. Dans ce premier opus, l’auteur américain nous livrait une histoire où le Joker n’était plus ce psychopathe que l’on connaît si bien depuis les années 40, mais simplement Jack Nappier qui essaye de redorer son image en faisant de la ville de Gotham une cité sûre pour ses habitants. Mais Batman n’y croit pas et attend que ce dernier retombe dans ses travers. Ce titre m’avait très agréablement plu dans son ensemble. Les personnages étaient travaillés dans leur psyché et leurs propos. L’aspect politique était présent, les idées de Sean Murphy étaient bonnes mais n’étaient pas menées jusqu’à la fin. Laissant ainsi un petit goût d’inachevé en fin de lecture. Pourtant, cette suite n’en est pas réellement une puisque White Knight était tout de même perçu comme un récit complet. Alors, voyons plutôt ce nouvel essai comme un compagnon qui vient s’ajouter au premier.
Dans Batman : Curse of the White Knight, Sean Murphy reprend ses pions de départ avec un Bruce Wayne tentant de retrouver une sérénité et tranquillité d’esprit depuis que Jack Nappier/Joker a été remis derrière les barreaux. Mais le traumatisme est là, alors difficile d’y parvenir, surtout que l’image de Batman a pris un sacré coup dans l’aile. Les habitants de Gotham ne le perçoivent plus comme un justicier, et Bruce n’a plus son confident et ami de toujours auprès de lui, Alfred. Bruce met la main sur le journal d’Edmond Wayne daté de 1685, premier de sa lignée à s’être installé à Gotham et adversaire d’un certain Lafayette Arkham, dont les ossements ont été récemment découvert dans la cellule du Joker.
Tout d’abord il faut signaler que dans ce second opus, le personnage du Joker n’est plus au centre du récit, alors si vous étiez particulièrement impatient de le retrouver il va falloir calmer vos ardeurs. Ici, c’est plutôt l’Histoire de Gotham et la lignée des Wayne qui sont placées au cœur de l’intrigue. Le tout se transforme un peu comme un conte, sans le ‘‘Il était une fois… » au début. On garde tout de même une certaine notion de gentil versus méchant, mais pas avec les personnages que l’on pense comme lors du White Knight. Bon, pour les lecteurs qui s’y connaissent la couverture annonce un peu la couleur concernant la présence d’un des nouveaux protagonistes puisqu’il s’agit de Jean-Paul Valley alias Azrael. Ce personnage a été créé en 1992 dans les pages de Batman : Sword of Azrael par Dennis O’Neil et Joe Quesada. Il est célèbre pour être apparu dans la saga Knightfall où il a assumé l’identité de Batman pour remplacer le héros dont Bane avait brisé la colonne vertébrale. Mentalement parlant, Azrael n’est pas le héros le plus stable du monde, notamment ici puisqu’il est en phase terminale de cancer. Son but ultime lors d’une apparition divine ? Éliminer Batman qu’il considère comme un fléau.
Le scénario est bien ficelé, comme l’était le premier, mais c’est un peu mieux abouti et possède moins de fragilité ici et là. Sean Murphy va explorer et tenter d’expliquer les raisons de l’importance de Batman en tant que justicier de la ville, et surtout en tant que protecteur. Pour cela, il remonte dans le temps et revient à l’essence même du mythe et surtout à la ville de Gotham. On assiste alors à une déstructuration de tout ce qui fait le personnage, Murphy n’épargne rien sauf une chose : son âme. Mais c’est réussi, et c’est surtout bien fait. En prenant le personnage d’Edmond Wayne de 1685 on assiste à une certaine guerre romancée à la Les Trois Mousquetaires. Le casting étant assez conséquent, Murphy le gère quand même assez bien. Jean-Paul Valley régale par cette forte présence qui fait peu à peu oublier le Joker de ce récit, reléguer au second plan. Après tout chacun son tour de se tenir dans la lumière, n’est-ce pas Monsieur Nappier ? Mais parlons un peu de Harley Quinn, qui est certainement l’un des personnages les plus réussis cet univers créé par Murphy. Son développement est écrit de manière intelligente et en accord avec tout ce qu’elle dégage depuis sa première apparition dans White Knight. Ici, l’auteur tire simplement sur une corde plus sensible, une corde qu’aucun autre auteur n’avait encore eu l’idée d’écrire sur Harley. C’est touchant, intimidant, mais tellement humain et naturel. C’est presque choquant, mais dans le bon sens du terme. Les scènes d’action sont menées de manière grandiose, rien à redire là-dessus.
Graphiquement, on est toujours sur de l’excellentissime Sean Murphy. Le jour où il a un trait qui part en sucette, on aura de quoi s’inquiéter, mais d’ici là le monde du comics est l’abri. Sur les 8 numéros qui composent cet album, rien n’est à jeter. L’ensemble est vif, dynamique. Le design des personnages est revisité à sa manière, dont celui de Azrael qui est hyper plaisant. Murphy s’amuse toujours autant avec le décor et la mise en scène. On peut notamment le constater avec son exploration dans les flashbacks du XVIIe siècle. Entre les bâtiments, les costumes, et les combats à l’épée on le sent revigorer par l’exercice. La colorisation de Matt Hollingsworth (Daredevil, Preacher, Alias) vient compléter le tout avec classe.
En conclusion, Curse of the White Knight n’était pas forcément nécessaire, mais il aurait été dommage de ne pas l’avoir. Sean Murphy continue de construire son petit univers autour de Batman, et tant qu’il a des idées qui tiennent la route, qu’il arrive à en faire quelque chose qui mérite d’être exploré et qu’il s’amuse, moi je dis pourquoi pas ? Curse of the White Knight est plus abouti que White Knight, dont la fin se prenait un peu les pieds dans le tapis. Le côté politique est délaissé pour se concentrer sur la mythologie Batman et Gotham. Un duo qui fonctionne toujours autant, un Azrael qui fait oublier le Joker, et nous avons même droit à un magnifique développement autour de Harley Quinn. À voir ce que les suites nous réservent… dans la limite du raisonnable Monsieur Murphy !

