
Très attendu depuis son annonce, le shonen Blue Lock a semble-t-il réussi à trouver son public depuis sa sortie en début de mois. Avec l’Euro 2020, le timing pour un récit ayant pour thème le football est des plus pertinents. Toutefois, ce serait mentir que de ne cataloguer Blue Lock que comme un manga sur le foot. Si les enjeux autour du football japonais et mondial par extension sont ce qui déclenche les événements dans le récit, on doit surtout mentionner son originalité par son concept rappelant Battle Royal, les explosions d’élèves en moins. Ici, la torture psychologique est surtout ce qui va être le plus traumatisant, enfin, c’est ce que l’on imagine au vu des deux premiers tomes. Place à l’analyse.
Disponible aux éditions PIKA dans la collection Shonen ou sur Amazon au prix de 7.20 € || Également disponible au format numérique || LIRE UN EXTRAIT GRATUIT

Merci à Clarisse et Camille pour la confiance et cette lecture
Kaneshiro MUNEYUKI est un scénariste de manga qui s’est fait connaître en France avec Jeux d’enfants aux éditions PIKA en 2014. Né à Osaka au Japon, il rejoint un groupe de musique au lycée et se produit même à la télévision japonaise. Après le lycée, il entre à l’université Kyoto Seika connu pour son programme de manga et d’animation. En 2008, alors qu’il étudie encore, sort son premier one-shot Dokuchi Elementary School Story. Après l’obtention de son diplôme, un éditeur de Kodansha l’invite à rejoindre Tokyo. En 2011, il écrit As the Gods Will illustré par Akeji FUJIMURA qui parut dans le Bessatsu Shonen Magazine de l’éditeur. La première partie du manga eut même droit à une adaptation en film live-action. En 2013, sort Billion Dogs, un shonen d’action et de comédie édité aux éditions Akata en France. Les années suivantes sortent Boku-tachi ga Yarimashita, Scary Ghost Stories, et Akû le chasseur maudit, troisième série de l’auteur à se faire publié en France (Pika Edition). Actuellement, MUNEYUKI travaille sur deux séries toutes deux éditées sur notre marché. Jagaaan, en cours avec 12 tomes au Japon, et Blue Lock dont 13 tomes sont parus. En France, ces deux séries sont respectivements disponibles aux éditions Kazé et Pika. Une adaptation en animé de Blue Lock a été annoncé par le studio Pierrot (Tokyo Ghoul, Black Clover, Naruto).
En 2018, lors de la Coupe du Monde organisé en France, l’équipe de football du Japon s’est vu éliminé en huitième de finale. Dans cette histoire, nous découvrons les propos tenus par la fédération japonaise de football qui ne voit que ce sport comme étant du business et rien d’autre. Si en réfléchissant une partie de ce raisonnement est vrai, il reste que la fédération ne veut rien faire pour faire en sorte que son équipe aille plus loin dans les compétitions. Anri Teieir, elle, est une femme qui ne partage pas cette opinion et en tant que passionnée elle croit en la capacité du Japon se remporter un jour de grandes compétitions. Elle arrive donc à convaincre les gros bonnets de lui faire confiance et en son idée de confier les commandes à Jinpachi Ego, un sélectionneur particulier et aux méthodes l’étant tout autant. Son idée est de trouver le meilleur attaquant, la pièce maîtresse d’une équipe, selon lui. Et pour ça il est prêt à bousculer toutes les morales que véhicule le sport. C’est ainsi que naît Blue Lock, un centre d’entraînement qui recrute 300 jeunes attaquants prometteurs. Le but est qu’il n’en reste qu’un seul. Parmi eux, Yoichi Isagi, lycéen dont l’équipe de foot a perdu les qualifications du championnat inter lycées. Après avoir intégré le Blue Lock il va devoir apprendre à survivre au milieu des 299 autres attaquants prodiges s’il veut un jour réaliser son rêve d’intégrer l’équipe nationale et gagner la coupe du monde.
Dans le domaine du manga sportif publié en France autour du foot, nous avons déjà eu quelques titres comme Angel Voice, Sayonara Football, Mai Ball!! – Feminine Football Team, Hungry Heart, Whistle!, et Ao Aichi l’un des derniers arrivés en librairies avec Blue Lock. Pourtant, peu d’entre eux ont rencontré le succès avec les derniers nés de 2021. Le seul à avoir réellement su se démarquer a été Captain Tsubasa aka Olive et Tom pour les anciens du Club Dorothée. Mais Blue Lock pourrait bien remporter un petit succès dans le milieu puisque son scénario se veut assez dynamique et original pour arriver à garder les lecteurs captifs. Premièrement il faut dire qu’avec le scénariste de Jagaaan aux commandes ont a de quoi se dire que ça va vite déménager. Et c’est le cas, car dès le premier tome nous découvrons que finalement ce titre catalogué sportif et plus précisément footballistique est construit à la manière d’un Battle Royal très ingénieux, mais les morts en moins. Pourtant, même sans de l’hémoglobine qui gicle partout, nous avons une part de violence où ce qui peut s’en rapprocher le plus dans ce contexte. C’est ce que l’on découvre en même temps que Isagi et ses coéquipiers/concurrents. Lui, c’est le lycéen joueur de foot qui veut réussir et qui a une rêve mais qui a aussi des principes. Camaraderie, le travail collectif, etc c’est ce qu’on lui martèle depuis qu’il joue au ballon. Pourtant, au Blue Lock ses convictions et ses valeurs vont vaciller, en grande partie à cause des discours de l’entraîneur Jinpachi Ego. Véritable meneur des mots, il sait comment installer le doute dans l’esprit de ses jeunes recrues, tout en étant pertinents sur certains points. Il est intéressant de voir deux idéologies se confronter, même si ce n’est que sur du sport puisqu’au final on peut y voir une grande métaphore sur la vie et les principes que l’on nous a inculqué, qu’ils soient bons ou mauvais. Isagi n’est pas le seul exemple de personnage qui remet tout en questions dans ces deux premiers tomes. Par exemple, certains même se découvrant un plaisir à la cruauté envers les autres joueurs, n’hésitant pas à les pousser vers la sortie. En gros, le Blue Lock se retrouve à être une grande expérience scientifique sur le relationnel, les limites, la liberté, et les choix d’un groupe d’individus. En l’occurrence comme ce ne sont encore que des adolescents, cela se révèle encore plus dangereux puisque les répercussions psychologiques pourraient être définitives. Sans mentionner le fait que les éliminés du centre ne pourront plus se présenter pour intégrer l’équipe nationale. Il y a de quoi doucher des espoirs mais aussi révéler des monstres avides. Un attaquant se doit d’être individualiste et oublier son équipe pour pouvoir marquer des buts et ainsi devenir le meilleur, selon le recruteur. D’ailleurs, ce dernier a presque plus la tête d’un scientifique que d’un recruteur. Le bouchon est poussé encore plus loin quand les joueurs sont divisés en équipes de A à Z, que les meilleurs sont mieux traités (nourriture, logement, etc) que les derniers du classement. En gros, il faut savoir gagner sa place au soleil si on veut pouvoir survivre. C’est un vrai délire scénaristique qui est original, survolté et plus profond que l’on ne pourrait le croire.
Le dessin est l’oeuvre de Yûsuke NOMURA que l’on a découvert, en 2016, dans Dolly Kill Kill (avec Yukiaki KURANDO au scénario). Le trait est hyper énergique grâce à ce côté un peu fou presque déstructuré de certains rendus. Cela est surtout très présent dans le design des personnages, en particulier dans leurs expressions et regard. NOMURA possède une patte unique que l’on apprend rapidement à reconnaître au milieu d’autres artistes. Déstructuré par moments mais ayant un fort impact visuel. Les actions de football sont bien retransmises, fluide et plein d’entrain. L’ambiance sportive et de “combat à mort” donne une bonne identité au récit. Côté édition, l’équipe de chez Pika a fourni un travail de qualité et avec une traduction de Lilian Lebrun (Food Wars, Full Drum, Stranger Case, Doppelgänger) de bonne facture.
En conclusion, ces deux premiers tomes de Blue Lock sont entraînant et laissent entrevoir un récit qui a tout pour garder les lecteurs investis. À voir si le titre ne tombe pas dans un schéma de répétition, mais au vu des idées de MUNEYUKI jusqu’ici, notamment dans Jagaaan, on peut être confiant sur l’avancée de Blue Lock. D’ici là, on peut déjà dire que le récit et le dessin énergiques dont pertinents. Les personnages apportent un part de psychologie qui prendra certainement une ampleur plus grande dans la suite. Rendez-vous au tome 3 pour voir si Isagi et ses camarades de Battle nous captivent toujours autant.
