Critique #093 – Je suis une fille de l’hiver de Laurie Halse Anderson

TITRE PAGE

L’adolescence et les changements que subissent notre corps et notre mental ne sont pas simples à gérer et à comprendre. Si certains sont moins sensibles aux regards des autres, d’autres ne le sont pas. Dans Je suis une fille de l’hiver, la plume de l’auteure effleure avec brio et sincérité un univers à la fois sombre et amer, en traitant également de cette « auto-destruction » souvent infligés par nos troubles intérieurs et par le jugement de la société. Un roman qui bouleverse du début à la fin.

 

Acheter Je suis une fille de l’hiver sur le site des éditions J’ai Lu ou sur Amazon.

Laurie Halse Anderson est une autrice américaine née en 1960 dans l’État de New York, plus connue pour ses romans jeunesse et jeune adulte. Elle a grandit dans sa famille à Postdam, et très vite montrer un intérêt pour l’écriture. À seize ans elle participe à un programme d’échange d’étudiants et part installer pendant treize mois au Danemark. En 1984, elle obtient un bachelor en langues et caractéristiques linguistiques. Sa carrière débute en tant que journaliste à son compte, et c’est durant cette période qu’elle commence à écrire des romans young adult. Son premier roman pour enfant Ndito Runs paraît en 1996. En 1999, elle signe un roman qui la lancera réellement, Speak (Vous parler de ça). L’histoire fût adapté en 2004 au cinéma avec Kristen Stewart (Twilight, Sils Maria, Blanche-Neige et le Chasseur, Into the Wild, Still Alice) dans le rôle d’une adolescente victime d’agression sexuelle. Le roman a été traduit en seize langues à ce jour. Le reste de sa bibliographie se compose de Catalyst (2002), Twisted (2005), Fever 1793 (2000), Ma mémoire est un couteau en 2017, et Je suis une fille de l’hiver (Wintergirls) en 2009. En France, ce dernier est paru pour la première fois chez La Belle Colère, avant de sortir le 3 janvier dernier chez J’ai Lu. Anderson reçue également un prix pour sa contribution au genre young adult.

Je suis une fille de l’hiver est le récit de deux jeunes filles, Lia et Cassie, meilleures amies depuis l’école primaire. Mais le temps et la vie ont eux raison de leur amitié, et le jour où Lia apprend la mort de Cassie, les souvenirs lui reviennent comme un coup de poing. Ravagé par sa culpabilité de n’avoir rien pu faire pour l’aider, Cassie remonte le temps dans ses souvenirs pour nous livrer son récit, celui de son amie, et le leur. Deux adolescentes en proie à leur désire de contrôle sur leur apparence, combats contre les troubles alimentaires, seule Lia est restée mais la guérison est encore loin.

Dans un premier temps, il est important de dire que ce récit traite d’un sujet très sérieux, à savoir celui de l’anorexie. Mot et maladie encore beaucoup trop tabou dans notre société, c’est une maladie grave et à ne pas prendre à la légère. Et j’en parle en connaissance de causes, croyez-moi. L’histoire est raconté du point de vue de Lia, et on est très vite transportée dans sa tête et son monologue. Au fil des pages, il est difficile pour le lecteur de s’identifier à la jeune fille. De mon point de vue, seule une personne qui a été touchée par cette maladie elle-même ou alors dans son entourage, peut arriver à réellement entrer dans les baskets de Lia. Pourtant, le lecteur moins concerné peut très bien se lancer dans cette lecture, puisqu’il est simple de compatir au sort de l’adolescentemaintenant âgé de 18 ans. C’est un récit tranchant et vif qui peut facilement rouvrir des plaies aux personnes concernés par l’anorexie ou autre maladie proche. Ce n’est donc pas une lecture à prendre à la légère.

Je pourrais essayer. Peut-être pas tout dire. Mais lui parler au moins des voix, des injures qui me poignardent quand je songe à manger un beignet à la cannelle ou un bol de céréales aux myrtilles. Et puis il y a cette histoire d’être piégée entre deux mondes, sans boussole ni carte.

Mais ce n’est pas pour autant que Je suis une fille de l’hiver est uniquement sombre. Non, il existe entre les mailles de ce désespoir une lueur d’espoir, et c’est à elle que Lia s’accroche. Son combat au jour le jour est difficile et parsemé d’embûches. Entre les différents stratagèmes pour échapper aux repas en compagnie de sa petite famille, pas forcément des plus compréhensible. Il est d’ailleurs toujours difficile pour les proches de savoir comment agir avec une personne atteinte de ce trouve. Le récit n’est pas un polar ou un thriller, mails il explore certaines traces de ce genre notamment avec la mort de Cassie. Suicide ? Mort naturelle ou non ? Plusieurs personnages viennent tenir un rôle déroutant durant le récit, et il est très facile de ne plus savoir qui dit vrai ou non. L’amitié entre Lia est Cassie est explorée de manière à ce que le lecteur les découvres à la fois complices mais aussi concurrentes dans ce défi pervers vers la perfection.

Les personnages cognent là où il faut, et les moments propre à l’anorexie font froid dans le dos. De ma propre expérience, je me suis retrouvée à de nombreuses reprises dans les agissements de Lia, dans sa manière d’éviter les choses, d’être en perpétuelle mouvements de peur que la graisse ne vienne d’un coup vous tomber dessus et vous faire sentir comme une baleine. Le malaise a souvent été palpable en mon corps et mon esprit, et même si je fuis dans 99% des cas les lectures me remmenant sans cesse à cet épisode de ma vie, Je suis une fille de l’Hiver a été une lecture qui me donne espoir qu’une fin autre que la mort peut être possible que la rémission se trouve quelque part en nous. Le chemin est terrible et sinueux mais un jour ou l’autre on arrivera enfin à retrouver une vie dite « normale ». Bien entendu, le regard des autres, amis ou étrangers, n’est pas innocent au fait que Lia (et bien d’autres filles et garçons) puissent tomber dans ce cercle vicieux qui commence par un banal régime. Et si pour vous, dire simplement à quelqu’un “mange” semble simple, sachez que pour celui qui entend ce mot ce n’est pas si simple. Un corps. Une âme, Un cerveau. Mais deux aspects de l’être qui se disputent sans cesse pour avoir le dessus sur l’autre.

Si le sujet est si bien traité dans ce roman c’est grâce à la plume de Laurie Halse Anderson qui arrive à décrire sans tabou, et avec brio ce que l’on peut ressentir dans ce genre de cas. Poétique et réfléchie, les mots sont choisis avec minutie mais sans prétention. Du coup il est important de remercier le travail de traduction faite par Marie de Prémonville qui a sut s’imprégner au mieux du style de l’auteure pour ne pas dévier de l’oeuvre et du message d’origine.

En conclusion, Je suis une fille de l’hiver est un roman brut, complexe, réaliste et qui n’est en rien écrit pour juger le malade. Ici, c’est plutôt la complexité et l’aspect psychologique qui est mis en avant. En choisissant le sujet des troubles alimentaires, l’auteure aurait pu rater le coche et tomber dans les travers en offrant une histoire sans surjouée ou incorrecte. Mais ici, il n’est est rien. C’est douloureux, poignant, et parfois difficile, mais comme dit plus haut l’espoir persiste et même l’humour est invité. Je suis une fille de hiver a été un véritable coup de cœur, difficile certes, mais il est bon de trouver enfin un roman qui aborde avec pudeur et intelligence cette maladie encore trop mal comprise.

Thanksgiving

(deuxième 20/20 du blog)

Infos roman.png

Une réflexion sur “Critique #093 – Je suis une fille de l’hiver de Laurie Halse Anderson

  1. Ce n’est pas le genre de lecture que je lis habituellement mais ta chronique m’a donné envie de le découvrir pour en apprendre plus sur cette maladie, comme tu dis, très peu connue et reconnue! Et puis il a l’air vraiment très « fort » en émotion…ce qui d’un côté me fait un peu peur et d’un autre m’attire…mais bon, le côté « espoir » me rassure dans tous les cas!!^^

    J’aime

Laisser un commentaire