Critique #090 – Le Bureau des jardins et des étangs de Didier Decoin

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Découvrir des paysages que je ne peux encore voir de mes propres yeux, et en humer les odeurs saupoudrant l’air est un sentiment que je tente de combler par les lectures. Le Bureau des jardins et des étangs en est le parfait exemple. Le Japon du XIIème siècle qui s’offre à nous à travers les mots de Didier Decoin est transcendant, beau et touchant.  

 

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MERIC AU LIVRE DE POCHE POUR (5)


 

Didier Decoin est un écrivain et scénariste français, mais aussi membre de l’Académie Goncourt depuis 1995, est actuel secrétaire général. Fils du cinéaste Henri Decoin, il effectue ses études secondaires au collège Sainte-Crois de Neuilly-sur-Seine avant de travailler en tant que journaliste de presse écrite à France soir. Il collaborera par la suite avec différents journaux comme Le Figaro, Les Nouvelles littéraires, et participe à la création du magazine V.S.D. En parallèle à sa carrière de journaliste, il se lance dans l’écriture de roman, et c’est à l’âge de vingt ans à peine qu’il publie son premier livre, Le Procès à l’amour. Depuis, plus d’une vingtaine de titres sont parus sous sa plume, dont John l’Enfer qui lui permit de recevoir le prix Goncourt en 1977. Pour garantir son indépendance en tant qu’écrivain, il se lance dans l’écriture pour le cinéma où il travaille pour des réalisateurs tels que Marcel Carné, Robert Enrico, Henri Verneuil, et Maroun Bagdadi. C’est avec ce dernier qu’il recevra le prix spécial du jury au Festival de Cannes pour Hors-la-vie. Mais Decoin ne s’illustre pas qu’au cinéma puisqu’on lui doit également des téléfilms comme Balzac (1999), Dans la tête du tueur (2004), Louise en 2005, ou encore Mon frère Yves en 2012. En 1998, il reçoit le Sept d’Or du meilleur scénario pour l’adaptation télévisée de Le Comte de Monte-Cristo. Le Bureau des jardins et des étangs est paru en 2017 aux éditions Stock, et début janvier de cette année chez Le Livre de Poche. Didier Decoin vit en Normandie avec sa femme et ses trois enfants. Son fils Julien Decoin (Un truc sauvage, Soudain le large) est également écrivain.

Autant être honnête tout de suite et dire que Didier Decoin est probablement le premier auteur que je lis faisant partie de l’Académie Goncourt. C’est donc un petit baptême pour moi maintenant reste à savoir si cela m’a plu. 

Au XIIème siècle, après la mort de son mari pécheur, la jeune veuve Miyuki doit le remplacer pour porter jusqu’à la capitale de l’Empire du Japon les dernière carpes péchées par son mari dans la rivière Kusagawa. Elle va alors parcourir une longue distance depuis son petit village de Heiankyo jusqu’au directeur du Bureau des Jardins et des Étangs. Malgré les regards interrogateurs des habitants du village, se demandant si une femme aussi fragile physiquement peut entreprendre un tel voyage, Miyuki, elle, elle ne s’embête pas à se demander si tel et le cas, et s’y met sans attendre. Mais pourquoi ces carpes pêchées par Katsuro sont-elles aussi importantes, me demanderez-vous ? Eh bien, simplement parce qu’elles possédent une sorte de magie gracieuse, et don le goût avait sût charmer l’Empereur.

Le synopsis de base n’est pas des plus compliqués et ne représente pas une révolution dans le genre. Alors oui nous souhaitons que la Miyuki arrive à destination, mais comme on le dit le proverbe Dans un voyage ce n’est pas la destination qui compte mais toujours le chemin parcouru. Et ce proverbe s’applique avec beauté sur ce roman de Didier Decoin. J’ai toujours été fasciné par les paysages et la culture japonaise, mais n’ayant jamais pu m’y rendre jusqu’à présent c’est à travers les romans que je m’y évade. L’écriture de Didier Decoin est simple, fluide et élégante. Durant la lecture nous voyageons à travers les yeux de Miyuki, et on en ressens toute la beauté qui habite le paysage. Le récit regorge de couleurs dignes des fleurs les plus belles et sensibles du Japon. Mais il serait mensonge de dire que ce paysage si lumineux ne possède pas non plus ses zones d’ombres, surtout durant l’ère Heian. On y  découvre à quel point la vie peut y être cruelle et monochrome. La quête de notre veuve est touchant, poétique et regorge de belles rencontres. Grâce aux contacts des autres on prend conscience de l’importance du lien qui unit l’Homme et la Nature, et que si on la traite avec amour et respect et nous le rendra bien un jour ou l’autre. Nous y apprenons aussi les différents rîtes liés au deuil, à la culture et à la nourriture du pays. C’est riche et on a presque l’impression de pouvoir goûter toutes les saveurs qui se dégagent des mots de Didier Decoin.

Les dieux avaient créé le néant pour persuader les hommes de le combler. Ce n’était pas la présence qui régulait le monde, qui le comblait : c’était le vide, l’absence, le désempli, la disparition. Tout était rien. Le malentendu venait de ce que, depuis le début, on croyait que, vivre, c’était avoir prise sur quelque chose, or il n’en était rien, l’univers était aussi désincarné, subtil et impalpable, que le sillage d’une demoiselle d’entre deux brumes dans le rêve d’un empereur.
Un monde flottant.

Le récit étant très imagé il n’est pas surprenant de se retrouver projeté auprès de Myuki et de son parcours de titans. Car oui, rien n’est simple pour cette jeune femme délicate et forte à la fois. Au fil des chapitres, on a presque envie de venir lui tenir la main pour lui montrer à quel point nous tenons à la voir arriver à destination. Mais comme je l’ai dit, c’est vraiment le voyage à travers cet Empire qui nous marque. C’est sensible, violent et beau à la fois, et les mots de l’auteur n’y sont pas pour rien. Du début à la fin, le roman est pensé en amont, amadoué par le sens de la parole de l’auteur.

En conclusion, un beau roman qui fait voyager et qui nous cultive sur un mode de vie différent du nôtre, dont certaines bribes peuvent encore se faire sentir dans la civilisation actuelle et moderne du Japon. C’est écrit avec finesse, poésie et sensualité. Alors, laissez-vous vous aussi charmer par la plume de Didier Ducoin et  ouvrez votre cœur au voyage.Infos roman

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