Critique manga #157 – Ayako et L’Histoire des 3 Adolf de Osamu Tezuka

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Nonante ans. C’est l’âge qu’aurait eu l’auteur Osamu TEZUKA en cette année 2018, s’il était encore vivant.  Affaibli par un cancer, le mangaka ne se sépare jamais de son matériel de dessin, jusqu’à sa mort en 1989 dans une chambre d’hôpital de Tokyo. Depuis, ses œuvres continuent de marquer des générations de lecteurs de tous horizons, mais aussi ses pairs mangakas. De Astro, le petit robot à Black Jack en passant par Phénix, l’oiseau de feu, chaque récit est nourri par des thématiques chères au cœur de l’auteur. Ayako et L’Histoire des 3 Adolf n’échappent pas à cette règle. 

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Osamu TEZUKA est l’un des plus grands noms du manga et de l’animation japonnaise. On lui doit notamment Astro le petit robotLe Roi LéoPrincesse SaphirBlack Jack ou encore l’Ara aux sept couleurs. Né en 1928 au Japon, il débuta sa carrière à l’âge de dix-sept ans en tant que rédacteur dans le Shôkokumin Shinbun, ou il publiera sa première œuvre en tant que professionnelle, Le Journal de Mâ-chanEn parallèle il effectue des études de médecine à l’université d’Osaka, période de sa vie qui influencera son œuvre Black Jack (1973), où l’on voit un chirurgien exercer dans l’illégalité. C’est en 1947, que Tezuka rencontra le succès avec le titre La Nouvelle Île au trésor en collaboration avec Shichima SAKAI. Mais c’est en 1952, qu’aura lieu la naissance d’un des personnages les plus mythiques aux yeux des Japonais : Astro Boy. Ce petit robot évolue dans un monde futuriste sous l’apparence d’un petit garçon, qui avec ses pouvoirs et son grand sérieux se mettra au service de la paix. Près de 10 ans plus tard, il se lance dans la création de son propre studio d’animation : Mushi Production, lui permettant d’expérimenter sur des courts métrages, en s’inspirant de Disney qui l’a influencé depuis sa tendre enfance. Grâce à cette production il supervisera les adaptations animées de ses mangas comme Le Roi Léo et bien entendu Astro BoyOsamu TEZUKA décède des suites d’un cancer en 1989, dans un hôpital de Tokyo.

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Couverture Ayako - édition 90 ansDisponible en intégrale chez Delcourt-Tonkam pour 29.99 € , ou sur Amazon

Ayako est parue entre 1972 et 1973 dans le magazine Big Comic de Shogakukan, puis en deux volumes reliés. Les éditions Kodansha sortiront une réédition dans la collection Œuvres complètes de l’auteur, suivi d’une version poche en 2010. En France, le manga fut édité une première fois entre 2003 et 2004, avant une intégrale en 2011 pour les 25 ans des éditions Delcourt. L’histoire  se déroule dans l’époque de l’après Seconde Guerre mondiale, dans un Japon encore marqué par les deux bombes atomiques de Hiroshima et la présence américaine dans le pays. Jiro Tengé, soldat japonais, de retour chez lui après avoir été fait prisonnier durant la guerre. Son père, Sakuémon ne voit pas ce retour d’un bon œil puisqu’il aurait préféré que son fils soit mort pour sa patrie. En pensant retrouver une fratrie unie, Jiro constate des dissensions et des secrets. L’un d’eux est sa nouvelle petite sœur, Ayako âgée de 4 ans et fruit de la relation adultérine de son père. Devenu espion à la solde des Américains, Jiro va devoir maquiller un assassinat en accident pour ne pas éveiller les soupçons. Malheureusement, son crime fera de Ayako une victime collatérale, qui sera condamnée par les siens à vivre recluse dans la resserre familiale. Si le temps à l’extérieur passe, pour Ayako l’horloge semble s’être figée dans sa tête, alors même que son corps se transforme en une superbe jeune femme. Vingt ans privée de liberté, de découverte et d’amour, Ayako va s’accrocher comme elle peut à ses rêves d’autres choses pour sa vie. Si dans un premier temps le récit s’axe sur Jiro, il laisse petit à petit place à Ayako qui transmettre toute la dimension humaine du récit de Tezuka. Le mangaka parle de toute la complexité de la famille, d’une société portant encore les stigmates de la guerre, et où les ambitions politique sont nombreuses. Les rebondissements s’enchaînent et donnent du rythme à l’intrigue. TEZUKA arrive à écrire des personnages possédant chacun des démons de manière remarquable, tout en gérant la partie humaine de l’oeuvre dans sa généralité. Gardant son innocence du début à la fin, Ayako incarne la seule pointe d’espoir que possède le récit, avec en contraste les désirs d’une jeune femme devenue adulte et son apprentissage de la vie. Le dessin de TEZUKA est particulier pour beaucoup de personnes, mais on est forcé de constater qu’il sied parfaitement à l’histoire qu’il nous conte. Mature dans son trait, et personnages réalistes pour un récit fort dans son ensemble. Une tragédie famille sur fond de crise historique, où les cassures sociales sont fortes, sous l’écriture d’un homme qui avait énormément de choses à dire.

17/20

 

Disponible en intégrales deux tomes chez Delcourt-Tonkam pour 29.99 € le tome, ou sur Amazon

L’Histoire des 3 Adolf est un seinen manga pré-publié dans le magazine Shukan Bunshun de l’éditeur Bungeishunju entre 1983 et 1985, soit 10 ans après Ayako. Les 4 volumes de la série sont sortis en 1985, avec une première édition française entre 1998. La nouvelle édition pour les 90 ans est constituée de deux tomes regroupant les 4 tomes précédents, agrémentée d’une préface de Tezuka et Patrick Honnoré. L’histoire se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, avec trois hommes nommés Adolf, dont Hitler. 1936, le chancelier allemand est au pouvoir depuis 3 ans maintenant. À l’occasion des Jeux Olympiques d’été à Berlin, un correspondant japonais, Sohei Togué, est chargé de faire un reportage sur l’évènement. Arrivé sur place, son frère Isao prend contact avec lu afin de lui transmettre des documents d’une importance capitale. Mais ce dernier est assassiné et toutes traces de son existence sur le territoire allemand sont effacées. Sohei se lance alors dans une enquête afin de découvrir le responsable de la mort de son frère et de la nature de ce document sur les origines de la naissance d’Hitler. Dans ce récit, TEZUKA incorpore trois histoires différentes qui vont se rejoindre à un moment ou à un autre. Il y a celle liée à Hitler, celle d’un occupant nazi résidant au Japon qui voit son fils Adolf se lier d’amitié à un enfant juif, et celle de Adolf Kamil refusant de rejoindre les rangs des Jeunesses du chancelier. 

Comme pour Ayako et une très large partie de ses créations, le mangaka met en lumière toute la sphère du destin des êtres humains aussi différents et semblables qu’ils soient. Les faits historiques sont respectés mais agrémenté par la vision fictive de l’auteur et son sens unique de la maîtrise. L’amitié et un élément capital dans L’Histoire des 3 Adolf qui va se confronter au choc de l’inhumanité et la violence du monde. L’écriture est sérieuse et réaliste, avec une intrigue policière des plus aboutie et recherchée. On découvre aussi l‘éducation de la jeunesse sur la haine de l’autre et sa différence, la chasse des Juifs et les exécutions. Sociétale, politique, criant de vérité, Osamu TEZUKA reste fidèle à lui-même. Au niveau graphique, le mangaka impose un réalisme collant brillamment à son ton dans la narration. Bien entendu, comme pour toutes ses créations, le trait et la représentation, et la mise en page auront ses défenseurs et ses détracteurs. Libre à chacun d’en juger, même si je conseille fortement d’en lire quelques pages avant de rejeter cette œuvre. Rien à redire sur l’édition anniversaire de Delcourt-Tonkam qui est un véritable petit bijou mettant très bien en valeur toute la superbe de cet auteur de manga qui traverses les générations sans prendre une ride.

10 réflexions sur “Critique manga #157 – Ayako et L’Histoire des 3 Adolf de Osamu Tezuka

  1. Ils sont très biens ces articles! 😊 Ça me donne envie de lire ces œuvres même si je ne suis pas vraiment fan du style Tezuka! 😅 Notamment l’histoire des 3 Adolf qui évoque une période qui me fascine!
    Très chouette travail, merci à toi!

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    • Oui le dessin peut être un frein je suis tout à fait d’accord. Mais ça dates de fin années 70 début 80 aussi ^^’ son travail plus rond sur Astro Boy est plus accessible si le style de des œuvres plus « sérieuses » plait moins.

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      • Je regardais Astro Boy à la télévision et j’ai testé quelques volumes à la bibliothèque… Ben pas fan du tout. C’est pour ça, je suis plutôt curieuse de voir son travail sur de l’historique/quelque chose de plus sérieux.

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      • Jamais regardé la série animée, mais le manga ne m’a jamais tenté. J’ai dû lire la moitié du tome 1 Il y a des années. Je prefere le côté sérieux du prequel Atom the beginning avec un scénariste et un dessinateur qui reprennent en fait Les écrits originaux de Tezuka pour parler du titre. Le côté scientifique qui n’est pas ma passion est assez accessible puisqu’il y est questions de l’intelligence artificielle, de l’homme qui veut toujours aller plus loin, et de la part d’émotion d’une création faite pour comprendre les sentiments humains et qui peu à peu Les ressens.

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  2. Comme je t’envie d’avoir eu ces tomes en SP, je lorgne dessus depuis leur sortie mais comme je les ai déjà dans d’autres éditions (certes disparates vf/va), j’hésite ><
    En tout cas, ce sont pour moi des oeuvres phares de Tezuka qui ont très bien vieilli et qui valent vraiment le détour !

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