Critique #064 – Blacklistée de Cole Gibsen

 TITRE PAGE (23)
Selon moi, il n’y aura jamais assez de récits parlant du harcèlement scolaire, tant cela continue d’affecter des milliers d’enfants et adolescents à travers le monde. Alors, si un livre ou des centaines peuvent venir ouvrir les yeux de tous, ne cherchons pas à nous en détourner et lisons. La particularité de Blacklsitée est le fait que l’on découvre une jeune fille harceleuse devenue victime de ses propres actions. 

 

Acheter Blacklistée sur le site des éditions Pocket Jeunesse ou sur Amazon.

Cole Gibsen est une romancière américaine écrivant en grande partie des histoires young adult et de la romance. Elle est connue en France pour son livre Blacklistée (Life Unaware) parut en 2015 chez Hugo & Cie dans la collection New Way. Mais dans les pays anglo-saxons elle est l’auteure de bien d’autres livres comme la série Katana comprenant trois tomes, ou encore Breathless (2012) et Written on my Heart (2015). Elle exerce le métier de dresseuse de chien pendant la journée et écrit le soir. Mais avant de se mettre à écrire, elle se retrouva à l’âge de dix-sept ans à la rue vivant dans sa voiture avec pour seule compagnie les livres qu’elle empruntait pour lire durant la nuit à la lueur d’une lampe de poche.

Blacklistée est une lecture young adult traitant du harcèlement scolaire que l’on retrouve dans de nombreux autres titres destinés aux plus jeunes. J’ai par exemple, déjà parlé de 13 Reasons Why, Before I Fall ou encore Moi, Simon, 16 ans, Homo Sapiens. C’est donc dans l’univers scolaire, et plus exactement au lycée que ce déroule l’histoire. On y suit Regan Flay, 17 ans, populaire, au statut social plus qu’aisé lui permettant ainsi d’étudier dans un des meilleurs lycées du monde. Habituée à être entourée de ses amies et à être une sorte de « queen bee », elle va vite déchanter quand un matin en arrivant au lycée, ses textos et messages privés Facebook ont été placardés sur les murs. Mensonges, manipulations, insultes, chaque mot échangé avec Regan peut être vu aux de tous. En une minute elle passe du statut de princesse à celui de paria. Ne pouvant plus compter sur ses amis – lui ayant tourné le dos, et encore moins sur le reste des élèves de l’école – Reagan ne va pouvoir compter que sur le soutien de Nolan. Beau mais plutôt asocial, le jeune homme découvre vite que Regan cache beaucoup de choses et qu’elle n’est pas aussi parfaite qu’elle le fait croire.

Si le pitch de départ n’est pas nouveau et plutôt classique, le traitement sur le harcèlement effectué par l’auteure apporte quelque chose de vraiment prenant. Pourtant le début s’annonçait difficile puisque, en tant que lecteur, j’ai eu beaucoup de mal à compatir au sort de Regan. Après tout, elle a longtemps persécuté les autres avant de se voir retourner la monnaie de sa pièce. Habituée à se servir des autres pour ne pas perdre son statut de privilégié elle se voit vite mise au pilori par ceux qu’elles croyaient aimer. Avec ses messages dévoilés aux yeux des autres, ses amis ne peuvent que constater à quel point elle peut être méprisante et vaine. Mais, ce n’est pas pour autant que ceux de son entourage sont innocents. Non, eux aussi n’ont pas hésité à se servir d’elle et des autres pour garder une certaine prestance. Alors doit-on vraiment plaindre ce petit monde ? Oui et non.

La subtilité dans la narration de Cole Gibsen laisse le libre choix au lecteur de décider si oui ou non le cas de Regan le touche. On la découvre d’abord sous sa façade d’harceleuse puis de victime. Ce qui est très bien exploité par l’auteure est le fait que, dès le départ on est confronté aux deux facettes de la jeune fille. Même dans son rôle de fille parfaite – qu’elle se doit de garder vu que sa mère brigue un haut poste en politique – elle possède de grosses failles, des faiblesses bien cachés aux yeux des autres, même de ses amis. Consciente qu’elle pourrait vite se retrouver au bas de l’échelle si on découvrait ses problèmes, elle adopte alors la stratégie de survie. Comme un animal apeuré, elle va se dissimuler derrière un masque de prédateur pour ne pas se faire dévorer dans la jungle que représente le lycée. Si l’idée est classique, l’auteure arrive à présenter une copie de ce monde sans pitié avec dextérité et envie de présenter les deux côtés. Harceleur, victime, le lecteur peut ainsi voir que parfois les choses ne sont pas aussi simples.

Mon sourire vacilla , mais je me hâtai de rectifier ça avant que quiconque ne le remarque . Pour eux , j’étais Regan Flay , pom-pom girl , toujours première de la classe et fille de la députée Victoria Flay . J’aimais le petit Jésus , ma famille et les chevaux – toujours dans cet ordre . Comme le disait ma mère , j’étais l’exemple parfait d’une enfant élevée avec des limites fermes et de saines valeurs américaines , et je devais me conduire en tant que telle. C’est exactement ce que je m’efforçai de faire – si on excluait les troubles de l’anxiété , la consommation excessive de petites pilules …

Si Regan est un personnage très bien construit psychologiquement et intéressant à suivre, le reste des personnages brillent moins. En effet, si l’on prend celui de Nolan qui est très important j’ai eu énormément de mal à m’attacher à lui. Son côté asocial et « monsieur-je-sais-tout » m’a très vite tapé sur le système, pour que je finisse par ne plus vraiment avoir envie de lire la suite. J’ai pendant quelques semaines dû mettre Blacklistée de côté, non pas parce que le récit ne me plaisait pas, mais parce que le personnage de Nolan m’exaspérait. De plus, la relation entre les deux est très difficile, puisque Regan ne le supporte simplement pas. Certainement pour les mêmes raisons que moi… Alors difficile de vraiment les soutenir tous les deux, ou d’avoir envie de les voir ensemble. Nous avons ensuite la mère de Regan, femme détestable du début à la fin. Le comportement qu’elle arbore face à sa fille est révoltant et inhumain. 

La curiosité de savoir comment Regan a put se retrouver aussi bas dans la hiérarchie dont elle était la princesse pousse le lecteur à continuer de tourner les pages. Va-t-elle retrouver un semblant de vie normale ? Dans cette envie, le style de Cole Gibsen contribue grandement au fait que l’on se laisse facilement entraîner dans la lecture. C’est incisif et criant de vérité sur de nombreux points. L’univers adolescent est bien exploité, malgré ses clichés, mais possède tout de même une fin très intéressante que l’on ne voit pas forcément venir

En conclusion, par son message fort sur le harcèlement scolaire, Blacklistée de Cole Gibsen réussit très bien son traitement. On se retrouve des deux côtés du miroir, harceleur et harcelé, avec une psychologie efficace et une évolution dans le personnage de Regan bien exploitée. Le scénario possède assez de rebondissements et de moments touchants pour que le lecteur puisse rester accroché à l’histoire. C’est donc un pari réussit malgré certaines facilités scénaristiques. 

15 sur 20infos (14)

3 réflexions sur “Critique #064 – Blacklistée de Cole Gibsen

  1. Un roman qui doit être intéressant, notamment par son sujet! Je trouve ça pas mal l’idée du harcèlement d’une personne qui faisait plus ou moins la même chose avant … Ca permet de traiter de la remise en question, de la prise de conscience … C’est une bonne chose de proposer ce genre de thématiques aux adolescents

    J’aime

Laisser un commentaire